Un savoir-faire ancestral au service d’une céramique d’exception
La sigillée – du latin terra sigillata, « terre à cachet » – désigne une catégorie de céramiques fines romaines reconnaissables à leur aspect très épurée et leur revêtement rouge brillant. Produite entre la fin du Ier siècle av. J.-C. et le IIIe siècle apr. J.-C., elle fut d’abord la spécialité des ateliers italiens avant de devenir le fleuron des productions gauloises (poterie samienne), diffusée dans tout l’Empire.
1. Origines et centres de production
Les premières sigillées apparaissent vers 40 av. J.-C. à Arezzo, en Étrurie, probablement inspirées des vernis attiques grecs et des céramiques campaniennes. Très vite, le succès engendre la création de véritables complexes artisanaux spécialisés.
À partir du Ier siècle après J.-C., d’autres centres majeurs émergent :
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- La Graufesenque (près de Millau) : active dès 20 apr. J.-C., elle inonde l’Occident romain de ses productions.
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- Lezoux (Gaule centrale) : centre dominant aux IIe–IIIe siècles.
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- Divers ateliers secondaires en Germanie, Hispanie, Afrique du Nord…
On retrouve des fragments de sigillée jusqu’en Grande-Bretagne, Espagne, Afrique du Nord, et même en Orient.
2. Qu’est-ce qui fait la particularité de la sigillée ?
La sigillée est avant tout un engobe : une argile appliquée en couche très fine, non vitrifiée.
Elle peut être utilisée sur de la faïence, du grès, voire (pourquoi pas) de la porcelaine, même si l’intérêt reste limité.
Son aspect satiné et son imperméabilité viennent de la forme particulière et extrêmement fine des grains d’argile. Toutes les terres ne conviennent pas : seules celles dont les particules sont très lisses permettent d’obtenir une véritable sigillée.
⚠️ Alimentarité : aucune garantie. Trop de variables entrent en compte (composition, cuisson, tesson…). Mais rassurez-vous : l’Empire romain ne s’est pas effondré à cause de sa vaisselle en sigillée. C’est déjà une bonne indication !
👉 Spécificité majeure : c’est le seul engobe appliqué sur une pièce crue et sèche.
👉 Le polissage est indispensable : c’est lui qui révèle le satin et l’imperméabilité. Sans lui… pas de sigillée.
3. Préparation de la sigillée : la règle d’or
La réussite technique de la sigillée repose sur la QUALITE DE L’ARGILE et donc de la chance :
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- Argiles locales ou pas… sélectionnées pour leur finesse et leur teneur en oxyde de fer (mais ce n’est pas indispensable, il y a de très belles sigillées blanche).
- Une teneur en fer apporte la couleur rouge classique, mais on peut obtenir de superbes sigillées blanches
Vous pouvez « cueillir » la terre au cours de vos promenade ou acheter une pâte chez votre fournisseur pour essayer dans un premier temps. Pour tester prenez une faience rouge dans un paquet neuf; pas une terre délavée.
Toutes les argiles ne pourront pas faire une sigillée, à vous de tester.
Le bon terreau du jardin fera un bon substrat pour vos plantes mais pas pour cet engobe.
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- Lavage, décantation, tamisage pour éliminer les grains grossiers et carbonates.
Le principe est simple, on doit retirer tout ce qui est gros… c’est-à-dire de plus de quelques micromètres (µm), souvent entre 1 et 10 µm.
4. Test préalable : trouver la bonne argile
Avant de nettoyer quelques centaines de kilos d’argile, nous allons procéder à un test :
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- Dans une bouteille en plastique transparent de 1,5l, nous allons déposer une petite poignée de terre par le goulot (voir photo ci-dessous). – Peu importe son état (humide, sec, avec des feuilles,….).
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- Ensuite, il faudra compléter avec de l’eau, de préférence de pluie et y ajouter quelques gouttes de silicate de soude (dosage pifométrique mais grand maxi une petite demie petite cuillère)
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- On referme le bouchon et secouer ENERGIQUEMENT pendant quelques minutes. Si vous êtes essoufflée et assoiffée par l’effort, ne buvez pas l’eau !
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- On repose la bouteille et on recommence 1 ou 2 heures après. L’idée et de « liquéfier » la terre et casser les gros morceaux.
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- Ensuite on dépose la bouteille dans un bac et on n’y touche plus !!!
mais plus du tout hein !!!!
- Ensuite on dépose la bouteille dans un bac et on n’y touche plus !!!
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- Laisser 3 à 5 jours sans déplacer. Donc ne pas placer sur la table du salon.
Passé ce délai on pourra constater :
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- Soit l’eau, dans la partie supérieure, est transparente ou presque et bien c’est perdu.
Cette argile ne vous fera pas de sigillée, on recommencera avec une autre argile.
- Soit l’eau, dans la partie supérieure, est transparente ou presque et bien c’est perdu.
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- Sinon l’eau est trouble et là, c’est peut-être une bonne nouvelle. On passe à l’étape suivante.
Avant de nettoyer quelques centaines de kilos d’argile, nous allons procéder à un test :
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- Dans une bouteille en plastique transparent de 1,5l, nous allons déposer une petite poignée de terre par le goulot. – Peu importe son état (humide, sec, avec des feuilles,….).
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- Ensuite, il faudra compléter avec de l’eau, de préférence de pluie et y ajouter quelques gouttes de silicate de soude (dosage pifométrique mais grand maxi une demie petite cuillère)
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- On referme le bouchon et secouer ENERGIQUEMENT pendant quelques minutes. Si vous êtes essoufflée et assoiffée par l’effort, ne buvez pas l’eau !
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- On repose la bouteille et on recommence 1 ou 2 heures après. L’idée et de « liquéfier » la terre et casser les gros morceaux.
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- Ensuite on dépose la bouteille dans un bac et on n’y touche plus !!!
mais plus du tout hein !!!!
- Ensuite on dépose la bouteille dans un bac et on n’y touche plus !!!
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- Laisser 3 à 5 jours sans déplacer. Donc ne pas placer sur la table du salon.
Passé ce délai on pourra constater :
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- Soit l’eau, dans la partie supérieure, est transparente ou presque et bien c’est perdu.
Cette argile ne vous fera pas de sigillée
- Soit l’eau, dans la partie supérieure, est transparente ou presque et bien c’est perdu.
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- Sinon l’eau est trouble et là, c’est peut-être une bonne nouvelle. On passe à l’étape suivante.
On va récupérer uniquement cette eau trouble, pour ce faire, DELICATEMENT, on va faire un trou dans la dite bouteille, au-dessus de la terre décantée visible au fond de la bouteille – laissez une marge de 1 à 2 cm.
On peut aussi siphonner… si vous savez faire.

L’eau qui s’évacue est récupérée dans la bassine préalablement disposée sous la bouteille (je répète si vous n’aviez pas fait attention à ce détail). On ne prendra pas les derniers centimètres en haut qui sont trop clairs.
PS : L’image à été générée par une IA, en vrai, il y a 1 cm d’eau clair tout en haut et bien sur une bassine en dessous !
On mettra la bouteille vidée dans la poubelle jaune après l’avoir rincée..
- Cette eau trouble devra être épaissie par évaporation pour obtenir une densité de 1.1 minimum (voir l’article sur la densité si vous ne l’avez pas lu).
- Personnellement j’attends au moins une densité de 1,3.
Ensuite on passe au test d’application sur un tesson de terre cru et sec. Cela doit briller déjà un peu à l’application.
Entre chaque couche, on attendra que l’engobe se matifie et on procèdera à un polissage léger, avec un film plastique très fin (type emballage de légume ….. quand ça existait encore), un chiffon très très doux ou les doigts secs.
Si, à la troisième couches, ça ne brille pas un peu, c’est foutu.
Sinon ………….. C’est Gagné !!!!
Test d’application sur un tesson cru et sec :
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- L’engobe doit briller légèrement dès l’application.
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- On applique plusieurs couches, avec polissage léger entre chaque (film plastique, chiffon très doux ou doigts secs).
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- Si au bout de 3 couches il n’y a aucune brillance : c’est raté.
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- Sinon…cette fois c’est vraiment gagné !
5. Production en quantité
Après avoir validé la qualité de notre sigillée, il va falloir en fabriquer plus.
Le principe reste le même:
- On espère que la source d’approvisionnement n’a pas disparu et on va cueillir quelques kilos de terres.
- On mettra cette terre dans un seau/ poubelle… ajout d’eau idem de préférence de pluie et du silicate de soude (dosage environ 1% du poids de terre). Perso, pour un seau 2 cuillères à soupe, pour une poubelle on en met plus. Mais attention de ne pas trop en mettre le silicate de soude agit sut la fusion de l’engobe.
Il vaut mieux sous doser et en rajouter un peu si on ne voit pas d’effet. Le silicate de soude agit en moins de 5 minutes.
- Là, on va utiliser un malaxeur, pareil, 2 ou 3 fois espacé de quelques heures ou jours, pour bien mélanger et récupérer un maximum de sigillée. On n’est pas pressé hein !
- Après 3 / 5 / 10 jours, on ira siphonner l’engobe sans prélever le fond et en évitant de récupérer l’eau de surface; comme pour la bouteille.
A propos pourquoi attendre 3 ou 5 ou 30 jours ?
Cela dépendra de votre sigillée, plus on attend et plus la sigillée sera fine et sera brillante. Mais si on attend trop, on ne récupèrera que de l’eau. Bref, il faudra tester avec VOTRE terre.
Ensuite, évaporation de l’eau et en avant …
6. Application de l’engobe sur cru sec
La sigillée s’applique sur une pièce crue mais parfaitement sèche, jamais humide.
La couleur rouge brillante de la sigillée provient de son engobe spécifique :
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- La couleur rouge brillante de la sigillée provient de son engobe spécifique :
- Une barbotine très fluide d’argile riche en fer.
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- Application non pas sur une pièce encore humide, mais sur une pièce crue déjà sèche (bone dry).
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- Cette précision est capitale : la faible humidité du support évite les tensions de retrait et assure une couche fine et homogène.
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- La granulométrie extrêmement fine de l’engobe permet, après cuisson, une surface vitrifiée et brillante.
- Ne passez pas trop épais !! Application au pinceau ou au pistolet. On recommencera les couches jusqu’à ne plus voir le tesson et pas plus ! Ça peut être entre 3 et 10 couches avec chaque fois : attendre une matification du revêtement et un polissage intermédiaire avant de poursuivre. Cela dépendra de la densité de votre sigillée.
Perso, j’ai déjà coloré de la sigillée dans le cadre d’un projet professionnel.
Mais je ne trouve pas que la démarche soit …. logique/intelligente.
Je ne le referais plus, promis.
Ne pas oublier de bien faire sécher les pièces avant cuisson ; elles ont bien bu pendant les applications…. Ce n’est pas l’heure de l’apéro au fait ?!
7. La cuisson : une étape cruciale
Étapes principales
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- Montée en température progressive (évacuation eau libre et structurale).
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- Phase de cuisson généralement oxydante culminant vers 950 à 1080 °C : oxydation du fer en hématite (Fe₂O₃), pour une argile qui en contient évidement.
On peut imaginer de cuire plus haut jusqu’à 1150°C, mais on s’approche de la température du grésage de la faïence. Ça va briller, mais cela ne sera pas de la sigillée. Vous aurez poli votre pièce pour rien.
- Phase de cuisson généralement oxydante culminant vers 950 à 1080 °C : oxydation du fer en hématite (Fe₂O₃), pour une argile qui en contient évidement.
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- Montée en température progressive (évacuation eau libre et structurale).
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- Importance de l’atmosphère pour une argile ferreuse:
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- Oxydante → rouge vif homogène.
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- Réductrice (manque d’oxygène) → couleur noire ou grise (magnétite Fe₃O₄).
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- Importance de l’atmosphère pour une argile ferreuse:
Les Romains maîtrisaient parfaitement le tirage de leurs fours pour garantir un résultat constant.
Variantes
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- Pit firing (cuisson en fosse) : superbes traces de flamme.
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- Cuisson au bois : le nec plus ultra !
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- Raku : attention à l’enfumage, certaines sigillées absorbent facilement le carbone.
8. Conclusion
La sigillée est une technique exigeante, mêlant finesse de la matière, précision du geste et maîtrise de la cuisson. Mais une fois la méthode comprise, elle révèle une beauté incomparable, satinée et presque intemporelle.
Amusez-vous bien !
Pierre Bayle (1945-2004)